Ce 26 septembre est un jour sombre pour la famille mancelle. Patrick Van Kets nous a quitté des suites d’une maladie, à l’âge de 55 ans. Le cœur lourd, la Tribune Mancelle revient sur la carrière du joueur belge, légende du MUC72, dont il est le deuxième meilleur buteur de l’histoire (58 buts).
Une première carrière en Belgique
Rien ne prédisposait le gamin né à Duffel, petite ville de la province flamande d’Anvers, en décembre 1966, à devenir un nom culte du côté de la Sarthe. Dans les années 80, il est encore rare pour un footballeur de s’expatrier. Ce n’est donc pas une surprise si la première partie de la carrière de footballeur de PVK se passe outre-quiévrain. Très tôt attiré par le but, il se destine au poste d’attaquant. Sa force principale, comme il le définira lui-même, reste son instinct infaillible et un pied gauche chirurgical. Son jeu de tête est également un bel atout, lui qui ne mesure qu’1m82. Il pousse la balle naturellement dans le grand club de sa région, le RC Malines, avec qui il découvre dès l’âge de 16 ans la deuxième division nationale. En 1988, il obtient avec les Vert & Blanc la montée en Division 1, attendue depuis plus de 10 ans. Il goûte pour la première fois au niveau ultime de son championnat. D’abord avec Malines donc, avec qui il plante 11 buts, puis dès la saison suivante avec Saint-Trond, autre club flamand, avec qui il se maintient d’abord mais ne peut éviter la relégation en 1991 malgré ses 10 réalisations. On ne le sait pas encore, mais jamais plus PVK ne connaitra le niveau supérieur dans le reste de sa carrière.
Après avoir échouer dans l’opération remontée avec les Canaries (le surnom des joueurs de Saint-Trond), Van Kets est prêté chez un concurrent : le K Beerschot AC. Avec 16 buts marqués en 34 matchs, sa saison est remarquée. Problème : si Saint-Trond ne désire pas conserver l’attaquant à qui il reste une année de contrat, il ne veut pas non plus renforcer un club adversaire. Pire, on lui propose un salaire en-deçà des attentes, ce qui pousse le joueur, alors âgé de bientôt 27 ans, à devoir trouver lui-même un nouveau point de chute. Et donc plutôt vers l’étranger, ce qui n’est, à l’époque pré-Bosman, pas chose aisée.
Proche de signer au Sparta Rotterdam, avant que le sponsor ne fasse faillite, PVK tente quelques essais à droite et à gauche. Il est notamment recalé à Hambourg et au Maccabi Tel-Aviv. Le voilà à
l’été 1993 en France.
La Sarthe comme nouvelle vie
Au même moment, le MUC72 sort d’une saison correcte en D2 (5e) et se prépare à affronter une nouvelle formule du championnat, à 22 clubs, baptisé Super D2. Pour tenter d’y figurer brillamment, l’entraineur Christian Létard mise sur un duo d’attaquant africain : l’Ivoirien Oumar Ben Salah et le Togolais Koffi Fiawoo. Mais rien ne se passe comme prévu. Le premier est impliqué dans une grave affaire de mœurs qui le conduit en prison, quand le second connait dès son premier match une blessure qui va l’éloigner pendant plusieurs mois des terrains. Le début du championnat est pour le moins inquiétant : 5 défaites sur les 9 premiers matchs, 6 buts marqués dont 2 CSC soit la pire attaque du championnat… il est urgent de signer un offensif.
Plusieurs hommes passent donc des essais. Et c’est dans ce contexte que Patrick Van Kets arrive en Sarthe à la fin août 1993. Le 21, à Ecommoy, il est aligné lors d’une rencontre amicale contre Toulouse, où il marque d’une frappe du gauche au bout de 45 minutes. L’entraineur sarthois a l’air conquis et décrit volontiers le Belge comme un joueur « toujours en mouvement, présent dans les phases de construction, bon techniquement, qui aime le contact ». De belles éloges, même si l’essai sera encore prolongé d’une semaine. Mais le 31 août, la nouvelle est officielle : Van Kets, qui était également dans le viseur de Toulon, signe pour 1 an au MUC72. Toutefois, l’attaquant reste propriété de Saint-Trond.
En manque de solutions offensives, Létard n’attend pas pour aligner le Belge. Il apparait dès la 10e journée à Beauvais, où il est titularisé comme attaquant de pointe devant Marc Maufroy. Pas de miracle toutefois, Le Mans est encore en souffrance et PVK est peu servi en ballon pour pouvoir démontrer son talent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans le même temps, le board manceau rappelle à la rescousse Régis Garrault, pourtant libéré au mois de juin précédent, pour dynamiter les attaques sarthoises.
Muet encore deux rencontres supplémentaires, la délivrance viendra lors de sa 4e titularisation, à Léon-Bollée, et face à un des cadors d’alors : l’AS Nancy-Lorraine. A la dernière minute de jeu, il reprend un centre de Mario Tannai pour donner la victoire (2-1) aux Sang & Or et ainsi ouvrir son compteur.
C’est le début d’une idylle entre l’homme et le public sarthois. Car, en plus de démontrer de belles qualités footballistiques, tous ceux qui côtoient PVK s’accorde à dire que l’homme est attachant et profondément généreux et gentil. Son adaptation se passe d’autant mieux qu’il est rejoint rapidement par sa fiancée et son bébé, la petite famille s’installant à Souligné-sous-Ballon.
La première saison, démarrée donc sur le tard, est une satisfaction à titre individuel. Le Belge inscrit 13 buts en 27 matchs disputés. Tout juste doit-il s’absenter des pelouses au début du printemps pour soigner un ménisque douloureux. Collectivement, le maintien des Sarthois sera arraché lors du dernier match à Rennes, et PVK y sera évidemment pour beaucoup au moment de faire les comptes. Entre temps, un nouveau coach, Thierry Froger, sera arrivé sur le banc muciste. Et celui-ci comprend très vite l’importance de l’attaquant malinois dans le dispositif sarthois.
Le goleador muciste
Le MUC72 fait donc son possible pour conserver le Duffelois. Le 1er juin 1994, il signe un contrat de trois ans avec les Sarthois. Et cette fois-ci, il sera d’attaque d’entrée, et pourra compter sur son partenaire Koffi Fiawoo, revenu entre-temps de blessure, pour une association de choc. Sans oublier une complicité naissante avec Maxime Poisson.
1994/1995 démarrera d’ailleurs comme dans un rêve, avec évidemment ce doublé historique marqué sur la pelouse du Vélodrome pour une victoire de prestige (2-3) face à l’OM. En donnant le tournis à son compatriote, le défenseur international Michel de Wolf, PVK se fait un nom en-dehors du microcosme sarthois. Lors de la 4e journée, il inscrit un triplé contre Perpignan, le premier de ses 2 hat trick réalisés sous le maillot manceau. La saison sera toutefois moins emballante au fur et à mesure que les mois passent. Terminée à une modeste douzième place, PVK va tout de même planter 17 réalisations durant cet exercice, faisant de lui le 8e buteur de la division.
Le Belge remet ça dès le début de la saison suivante, 1995/1996, avec pas moins de neuf buts inscrits sur les 13 premières rencontres. PVK est alors sans doute au summum de son efficacité, bien aidé par les feux follets Darbelet et Debord. Toutefois, comme la saison passée, il baisse de rythme tout doucement. L’homme est fier toutefois. Après un penalty raté lors d’un match contre Valence en janvier 1996, il confie que les nuits suivantes le hantent à ce sujet. Réponse le samedi suivant : un triplé contre Charleville. Et si l’association avec la recrue polonaise Dziubinski est un échec, le Flamand termine, de nouveau, avec 17 buts au compteur, ce qui le place cette fois-ci au 4e rang des goleadors de la division.
Avec 1 but marqué tous les 2 matchs en moyenne, difficile de ne pas attiser certaines convoitises. L’intersaison qui arrive va alors être compliquée à gérer pour le joueur comme pour le club. Van Kets a encore un an de contrat à faire, mais il souhaite naturellement tenter sa chance au niveau supérieur. Les dirigeants sarthois ne sont pas contre le principe, mais en échange évidemment de compensations financières suffisantes. Info ou intox, en tout cas, seule une offre viendra de l’étage du dessus, qualifiée de ridicule par le président Merdrignac, et de départ il n’y aura pas.
Une fin difficile
C’est donc pour une 4e saison consécutive que le Belge rempile. Sans doute l’esprit ailleurs, son corps suit avec une blessure aux adducteurs qui l’empêche d’effectuer la préparation. Le début du championnat est d’autant plus compliqué pour lui. Entre un penalty raté lors de la 4e journée, et l’explosion du joueur prêté par Nantes Laurent Peyrelade, sans oublier l’éclosion du jeune Dagui Bakari, il ne reste plus qu’une blessure au genou pour compléter le tableau et elle arrive à l’automne, obligeant Van Kets à s’éloigner des terrains pendant 8 matchs.
Spleen de la saison de trop ? L’attaquant confiera plus tard que cette mauvaise période était surtout due à la naissance de son fils, quelques mois plus tôt, qui avait engendré beaucoup de fatigue, physique et morale, sur le joueur.
Les relations avec Thierry Froger se tendent lors de la seconde partie de saison. Même revenu en forme, le Flamand perd sa place de titulaire. Avant un retour en grâce à la toute fin, avec 4 buts marqués en 6 matchs. Mais avec seulement 8 réalisations toutes compétitions confondues, le joueur est loin de ses standards et malheureusement les sirènes de la Division 1 se sont bien éteintes, alors que son contrat arrive à terme. Quelques clubs de Division 2 lui font alors du pied, notamment Nîmes, Laval et Niort. Et ce sont les Chamois qui vont signer l’attaquant muciste, pour un contrat de deux ans, officialisé le 12 mai 1997, alors que la saison n’était pas encore terminée.
Cela permet à PVK de refouler une dernière fois la pelouse de Léon-Bollée face à Epinal, où le club fait les choses en grand pour le remercier puisque le président lui remet un trophée en l’honneur de sa carrière en Sang & Or au début du match. Comme un clin d’œil, le Belge marquera son 58e et dernier but sous le maillot sarthois ce soir-là. Et n’imaginez pas l’homme rancunier ou amer après cette triste dernière saison, comme il le confie alors : « A la limite, ça m’ennuie de partir sur une saison à 5 buts, car j’ai tellement vécu de bons moments ici. Je suis arrivé à 26 ans et je crois pouvoir dire que ce sont les plus belles années de ma carrière ».
Tour de France en guise de fin de carrière
Effectivement, celui qui sera remplacé à la pointe de l’attaque mancelle par Réginald Ray, voit juste car la saison qui va suivre sera bien moins emballante. A Niort, qui envisageait alors une montée en D1, il connait un exercice très peu prolifique avec seulement 4 buts inscrits. Parmi eux, celui marqué le 31 octobre contre le MUC72, comme par hasard. Le Belge reviendra, pour la toute dernière fois, jouer à Bollée au retour le 18 avril 1998. Mais de manière plus générale, son association avec Mota, qui devait faire fureur, est un flop, et permet plutôt de révéler le jeune Pegguy Luyindula qui explosera sur le front de l’attaque des Chamois cette saison-là.
S’il est résigné à honorer sa 2e année de contrat, un appel téléphonique va finalement bousculer sa trajectoire. Au bout du fil, Jean-Michel Cavalli, le coach du Gazélec Ajaccio. Le discours du technicien emballe l’attaquant belge qui accepte de redescendre d’une division pour tenter l’aventure corse. Et bien lui en a pris car il vivra sans doute sa dernière grande saison comme joueur, avec une place de meilleur buteur de la division grâce à ses 19 réalisations. Dans un effectif qui comprenait entre autres Pascal Olmeta et Mickael Pagis, Van Kets s’éclate. Le Gazélec surprend et termine 3e, de quoi lui offrir un retour presque inespéré en D2. Malheureusement, cette montée sera refusée pour raisons administratives, car il était alors interdit à 2 clubs professionnels d’une même ville de la taille d’Ajaccio de figurer au second niveau national.
Si le coup de foudre avec l’Ile de Beauté est indéniable, son destin le fait voyager de nouveau. Très proche de s’engager avec le SCO d’Angers, c’est finalement au Racing Club de Paris, toujours en National, qu’il pose ses valises. Auteur d’une saison encore très correcte, puisqu’il inscrit 15 buts faisant de lui le meilleur buteur du club et le 6e de la division, le Malinois compte bien honorer sa deuxième année de contrat avec le RCP. Toutefois, au cœur d’une rivalité locale à l’époque, le Red Star, autre club de National, parvient à séduire le Belge en lui proposant un contrat professionnel de deux ans et une association avec Tony Cascarino en attaque.
Alléchante sur le papier, la concrétisation sur le terrain sera plus compliquée. Van Kets inscrit tout de même 11 buts sur la saison, mais le Red Star termine à la dernière place. PVK connait alors sa première et seule relégation en tant que joueur en France.
Coach Van Kets
A bientôt 35 ans, PVK se lance dans un dernier pari en rejoignant le club d’Albi, qui évolue en CFA, 4e division nationale. Il en profite pour prendre de l’expérience managériale en intégrant la direction sportive du club albigeois. Ce qui lui permettra quelques mois plus tard d’obtenir ses diplômes d’entraineur. Pour débuter sa nouvelle carrière, Van Kets fait parler son cœur et rejoint la Corse dont il est tombé amoureux du temps de son passage au Gazélec. C’est d’abord à Sartène qu’il fait ses premières gammes sur le banc, avant de rejoindre la ville de Porto-Vecchio, où le président de l’époque, Jean-Marc Ettori, nourrit de grandes ambitions pour faire de la 3e ville corse un club de National.
Pendant 4 ans, même s’il parvient à faire remonter l’ASPV au niveau Division d’Honneur, coach Van Kets ne pourra réaliser les objectifs optimistes de son président. Avec des moyens sommes toutes limités, le club se maintien à ce niveau, mais après 4 ans passés sur place, Patrick ressent le besoin de se rapprocher de sa famille et celle de sa femme.
L’opportunité d’un retour en Belgique se matérialise en mai 2012. Le Standard de Liège remet à plat son académie et propose à Van Kets le poste de manager des U21. Un poste qu’il va occuper pendant 4 saisons avant de prendre une nouvelle direction et devenir l’adjoint d’Ivan Leko à Saint-Trond en 2016-2017, puis de s’occuper plus spécifiquement des jeunes du club. En 2020, il rejoint un autre club belge, Waasland-Beveren, là encore en tant qu’adjoint, le temps d’une saison.
Sa dernière expérience professionnelle l’emmènera en Inde. A l’été 2021, il suit le coach Ivan Vukomanovic sur le banc de Kerala Blasters, en Indian Super League. Une aventure malheureusement écourtée au bout de quelques mois. Pour raisons personnelles, il est en effet annoncé que Van Kets doit s’éloigner un temps de ses fonctions. Si la nouvelle reste alors assez discrète, sinon dans un cercle restreint, le Belge ne reviendra jamais à Cochin.
Foutue maladie
Le grand public prend connaissance en août 2022 de la terrible nouvelle : Patrick est atteint de la Maladie de Charcot, pathologie neurodégénérative grave entrainant une paralysie progressive des muscles. Et ce 26 septembre, l’inéluctable issue se produit. Patrick Van Kets rejoint au paradis Sang & Or les autres Mucistes qui ont quitté ce monde depuis la création du club : Albert Nelson (1992), Jean-Paul Depauw (2002), Samid Beganovic (2009), Clément Pinault (2009), Jérôme Tronchet (2009), Patrick Ekeng (2015) et IvanTito Abie (2019).
De retour en 2019 à l’invitation du Support’R club, l’homme avait pu mesurer à quel point il était aimé des supporters sarthois. Et comment pourrait-il en être autrement. Ces quatre années passées au Mans furent un vrai succès pour les deux parties. « Je n'ai pas été déçu car je suis tombé sur des gens formidables. Mon seul regret finalement, c'est de ne pas être venu plus tôt".
Adieu Patrick, et merci pour tout...
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